Tourné début 2005 lors d’un séjour au Yemen, le film Arabian Stars met en scène des citoyens yéménites croisés au gré du voyage. Les personnages ont accepté de se laisser prendre au jeu, de marcher face à la caméra en portant des pancartes colorées en carton, sur lesquelles sont manuscrits en arabe les noms de personnages célèbres, réels et fictifs, internationaux et locaux (Michael Jackson, Pikachu, James Bond ou Zinedine Zidane mais aussi le chanteur Abo Bakr Saalem, les poètes Al Zubeiri ou Albaradoni, la ministre des Droits de l’homme Amat al-Alim al-Susua…). Leurs occupations momentanément interrompues par ce geste incongru, ces performers improvisés évoluent ainsi dans leur décor quotidien, les villes de Sana’a, Shibam, Aden ou le désert. De même, les mots en arabe inscrits sur les pancartes trouvent dans ces contextes déplacés une acception moins évidente. De longs plans séquences se succèdent, installant le regard dans un temps dilaté.
Le film est projeté dans une salle repeinte en vert clair, couleur des intérieurs yéménites. Quatre-vingt-deux chaises dépareillées (en écho aux quatre-vingt-deux personnages du film) attendent les spectateurs. Les trente-sept pancartes colorées sont accrochées au mur.
Arabian Stars s’inscrit dans la continuité de Anarchitekton (2002-2004) et de (un crime) (2004), les deux projets précédents. Dans Anarchitekton, un personnage singulier parcourt quatre villes (Barcelone, Bucarest, Brasilia, Osaka) brandissant des maquettes en carton, reproductions précaires de divers bâtiments, étendards grotesques, provocations utopiques ou brillantes bannières. Dans (un crime), un groupe de douze anonymes porte des lettres en volume qui construisent au fur et à mesure le récit d’un fait-divers de la fin du 19ème siècle tel qu’il fut relaté dans Le Petit Journal, quotidien de l’époque. Le récit se déroule dans les lieux de la ville où le crime a pu être commis.
«J’étais conscient de travailler à l’intérieur du champ de la représentation, littéralement immergé dans des décors, construisant le moindre objet, enfermé sur le plateau de tournage… Après Le dortoir j’ai décidé d’ouvrir une porte, de sortir avec une boîte en carton dans la rue et de travailler sur la scène de la réalité pour voir comment elle pouvait être contaminée par la fiction. Avec Anarchitekton, j’ai confronté des villes à leurs icônes architecturales; dans (un crime), il s’agit de voir comment la ville peut être habitée par des récits; dans Arabian Stars, il est question de visualiser l’ensemble de noms qui constituent un imaginaire, celui de la culture de masse, dans un contexte qui ne lui appartient pas, le Yémen1». Dans les trois vidéos, les personnages, de plus en plus nombreux, traînent des objets: maquettes d’architectures, lettres en volume, pancartes portant des noms, toutes en carton. «Le Yémen est le contexte et le terrain est la réalité2». Pour l’écrivain Eduardo Mendoza, «il n’est pas facile d’imaginer ce que ces personnages représentent au Yémen: on ne saura jamais quel décor est celui de Sherlock Holmes dans l’imagination d’un Bédouin3».
1 Jordi Colomer in ABC de las artes y las letras, Madrid, oct. 2005.
2 William Jeffett, “Estrellas en el desierto/ Desert Stars”, in Jordi Colomer - Arabian Stars, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid, Spain ; Salvador Dali Museum, St. Petersburg, Florida, U.S.A., 2005.
3 Eduardo Mendoza, “Estrellas Fugaces/ Falling Stars”, op. cit.
EXHIBITION VIEW
Arabian Stars. Nuit Blanche, La Goutte d'or. Paris 2006
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2005
Vidéo et salle de projection
Master HD CAM
Couleur
Stereo (LR)
Édition de 5 ex. et 1 AP
38'
Cameraman: David Amell
Assistant photographie: Sergi Olivares
Production executive: Alexandra Filiatreau, Luiz Fernando Campiello
Edition vidéo: Adolf Alcañiz (METRONOM-LAB)
Post production audio: Viuda Xing Pirata
Post production video: Infinia
Pre production: Claire Mortimer (Años luz, Barcelona), Gold Moore Tours, Sana'a
Traducteur: Mohamed Nagui Atef
Chauffeurs: Abdul Gawy Hidriy, Fuad Hamod
Peintres: Rasam Al Katá, Fuad Hamod, Mohamed Nagui
Ministery of Information of Yemen Inspector: Ahmed Alhabi
Produit par: Willian Jeffett for the Salvador Dalí Museum St Petersburg (Florida, USA), Hank HIne director Espacio 1, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía (Madrid), Maravills (Barcelona)
Remerciements: Frank Wolinski, WEDU, Tampa (Florida)
Collection: Musée national d'art moderne Centre Georges Pompidou (Paris)
Le sixième continent/théorie de la frontière (2010) Morad Montazami (fr)
D'autres stars (2008) Christine Van Assche (fr)
Falling Stars (2005) Eduardo Mendoza (eng)
From Picasso to Pikachu (2005) William Jeffett (eng)
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